Plénière D’observateur à responsable : enrayer l’impact des biais racistes dans l'expérience utilisateur

  • Marcy Charollois - Indépendante
  • 40 min
  • Introspection

Reconnaissance faciale défaillante, assimilation des noirs aux gorilles sur Google, confusion entre les ombres et les peaux foncées par les smart cars au point d’être percuté… Le racisme dans l’expérience utilisateur peut parfois se manifester de manière spectaculaire. Cependant, il n’y a pas que dans ces exemples que les préjugés racistes existent : ils s’invitent dans ce que nous produisons tous de manière insidieuse. De la conception à la mise en œuvre et jusque dans l’usage des produits : sans reculer, on peut nuire et créer l’exclusion de certains groupes en perpétuant voire en amplifiant les inégalités.

Alors, comment garantir des expériences neutres ou universelles dans un monde où l’UX se veut optimale et inclusive pour tous ?

Captation de la conférence

Transcription

- Marcy Charollois : vous allez bien ? 

C’est un petit oui, mais ça va quand même, c’est ça ?  C’est le matin !  Moi aussi, c’est pareil.

Aujourd’hui, pour cette keynote, on va parler de notre posture, en fait comment on fait pour passer d’observateur à pleinement responsable dans les biais racistes qu’on va implanter malgré nous parfois, malgré la diversité de nos vécus, dans les expériences utilisateur.

Je suis inclusion advocate, je crée des stratégies de contenus, et je fais aussi de l’UX pour aider les équipes tech à améliorer leurs expériences utilisateur.

J’étais avant chez We Love Dev.

Il y a des personnes qui connaissent la conférence que j’ai déjà faite ? 

Inclusion des personnes LGBT+, vous êtes responsable de la mixité, de l’IT.

Pour parler de racisme, potentiellement, vous êtes en train de m’observer et de présupposer mon appartenance ethnique ou pas.

Je vais vous parler de pourquoi je fais ce choix d’orientation dans la tech, qui n’est pas banal.

Quand j’étais enfant, dans la classe, j’étais souvent l’élément de couleur, comme on disait à l’époque, sur les photos de classe, c’était visible. Les autres enfants disaient… Quand on est très métissée, on blanchit, et on fait des carences en vitamine D. Les enfants me disaient que ma peau ressemblait soit à du chocolat, soit du café, soit à de la merde. en termes de sociabilisation, c’est violent. Le blanchiment de la peau se fait dans beaucoup de pays, qui sont soumis au colorisme. C’est une petite expérience malencontreuse. J’ai bien compris qu’être blanc, c’était mieux en France et en Europe. A 6 ans, je priais pour devenir blanche. Quand j’en ai discuté avec d’autres personnes, dites de couleur, ce n’était pas rare de prier pour ça. Donc c’est un vrai fait social. Plus tard, on grandit, on passe ses études supérieures et on arrive un beau jour, en milieu professionnel. Là, c’était l’inverse, on m’a dit que c’était trop bien, car même si je suis afro-descendante, je n’avais pas les cheveux trop bouclés, et que ça faisait beaucoup plus professionnel.

On m’a dit :  heureusement, vous présentez bien. Vous n’avez pas trop de traits africains, vous représentez bien la marque.

Ce sont des expériences très communes et banalisées. Je ne pensais pas. Car forcément, on se prend cette dose de discrimination, mais tant qu’on n’est pas confronté à des cercles de personnes qui nous ressemblent, on n’est pas confronté à ça.

On a 22 ethnies. On a fait la généalogie dans la famille. Il y a de l’Asie, de l’Afrique, de la Scandinavie… Ça nous a un peu choqués, je vous avoue.

Voilà pourquoi je suis une féministe inclusive anti-raciste dans la tech, et comment j’ai pu orienter mon parcours professionnel pour mieux appréhender les biais et aider les études tech à avoir une vision plus empathique.

Vous connaissez cette femme à gauche ?  Oui, quand même ! 

C’est Rokhaya Diallo, un de mes rôles modèles, qui n’est pas morte, franco-africaine, qui se dit inclusive, qui a écrit un livre The Users Guides. Elle dit :  lorsque des groupes sont racisés, cela induit une universalisation de la neutralité des autres.

Elle a créé tout un drama sur l’histoire des sparadraps. Vous connaissez ? 

Elle disait que ça manquait d’inclusion au moment des blessures car les sparadraps n’étaient pas faits pour les peaux de couleur. A l’époque, j’étais persuadée qu’elle posait des problèmes.

Donc on n’est pas à l’abri.

Au final, je me suis dit qu’elle avait raison, qu’il y avait un clairement un problème en termes d’expérience utilisateur. On fait bien de proposer maintenant pas mal de carnations qui permettent de rendre la chose moins visible.

J’ai participé à un concours fait par Louis Vuitton. On devait présenter une application, deux applications + un bagage connecté avec une équipe, et elle m’a bien aidée pour me dire :  il faut que je pense inclusif et expérience qui soit totalement englobante. Ça, c’est ma team à gauche. On a des personnes qui viennent de partout dans le monde, des personnes d’Afrique, musulmanes, des personnes juives, européennes, asiatiques. C’était cool, on a pu se dire :  il faut qu’on présente quelque chose qui nous ressemble, et l’expérience la plus inclusive possible, accessible également. Après, on parle de Louis Vuitton, ce n’est pas accessible à toutes les bourses non plus.

Mais ce que ça a donné, on a décliné ce bagage connecté avec tous les continents. On a le bagage européen, l’américain, l’africain, l’arabique et l’asiatique. Normalement, au centre, vous avez un symbole très fort qui représente ledit continent.

Autour, il y a systématiquement un petit pourtour avec un motif, qui résulte de recherches. On est partis creuser quelles étaient les minorités des fameux continents. Et par continent, en gros, vous avez en fond d’autres motifs. Ce ne sont que des super positions des motifs issus des minorités des continents afin de représenter tout le monde. Car tout le monde sur le continent américain ne se représente pas par la statue de la Liberté.

Ensuite, on a fait une première app vraiment dans le but de créer de l’engagement. Le concept est de pouvoir gérer son bagage, des petits badges pour une meilleure personnalisation de ses itinéraires, une gamification etc. Une autre application, plus communautaire, Louis Vitton City Guide, et par destination, vous avez plein d’astuces entre clients. On s’est dit :  pourquoi pas ajouter quelque chose de supplémentaire, ancrer des playlists qui se déclenchent via son bagage.

Ma stratégie, en tant que chef de projet, c’était me dire :  c’est quoi l’expérience utilisateur pure ?  Qui sont mes clients ?  Mes utilisateurs potentiels ?  Et surtout, c’est quoi l’histoire qu’on veut raconter ? 

Penser à l’UX à différents niveaux, c’est important. On pense que ce soit fonctionnel, utilisable, qu’on ait une expérience qui évite les dark patterns, et que l’expérience soit esthétique. Tout ça est en interconnexion avec d’autres points. L’esthétique désigne aussi le fait qu’on doive créer une expérience qui crée le désir. Sur la partie fonctionnelle, est-ce que c’est faisable ?  Peut-on le faire dans notre code ? 

Dans l’expérience aussi, la viabilité, le business, car il y a aussi ce paramètre qui entre en ligne de compte. En vrai, l’UX, c’est aussi ça, il y a une partie éthique et responsable qui va s’interconnecter entre chaque point. Et aujourd’hui, on est attentif aux problématiques d’inclusion. Tout ça va permettre d’avoir la meilleure adaptabilité auprès des personnes que l’on vise. Tous ces points, chacun de ces points peut comporter des biais racistes.

On va trouver comment enrayer tout ça.

Mes trouvailles en tant que chef de projet, à force de décortiquer, il y a déjà ça que vous pouvez retenir :  il faut qu’on sorte de la norme. Qu’est-ce qu’on établit comme norme ?  Quelle est notre norme personnelle ?  Suivant notre expérience, suivant qui on est, suivant notre orientation religieuse etc., ça influence beaucoup notre norme. Ce qui fait qu’on peut avoir des frictions avec des personnes qui partagent d’autres normes.

On doit se réapproprier l’Histoire, les Histoires humaines du monde entier.

Il faut dire les termes, et ne pas en avoir peur. On peut dire arabe, noir, asiatique, c’est OK. Il faut aussi être acteur et actrice de l’inclusion. On peut promouvoir divers personnages. On doit éviter les comportements nuisibles au maximum.

On doit se poser des questions absolument. Est-ce que mon service white driven.

Aujourd’hui, on dit racisé, je dis de couleur pour différencier, car racisé, c’est autre chose.

Nous avons un jeu :  faites-vous partie de la norme ? 

Etes-vous un homme ?  Levez la main et regardez-vous dans la salle. C’est important de prendre conscience de qui on est.

Etes-vous une personne qui n’a pas de handicap et de maladie chronique ?  Encore une fois, regardez-vous. Super.

Etes-vous neurotypique ?  Toujours dans la tech, très peu de mains levées sur ce point.

On a une norme inversée qui est propre à notre industrie, c’est important de le garder en tête aussi.

Etes-vous une personne qui n’est pas trans ? 

Je ne force personne à faire un coming out maintenant. Vous pouvez répondre ou pas. Etes-vous hétéro ?  OK.

Avez-vous la peau blanche ? 

Regardez la proportion de la salle, c’est assez intéressant.

Avez-vous un fort pouvoir d’achat  ?  J’entends par-là que vous pouvez vous payer des choses à la fin du mois sans vous poser trop de questions.

Vous faites partie du top tier.

Quand on parlait de la neutralité, c’est :  qu’est-ce que c’est le neutre ?  Qu’est-ce que c’est l’expérience typique ?  Qu’est-ce que l’expérience standard ? 

C’est quand même des points importants.

Vous pouvez aussi appartenir en même temps de manière contradictoire à des minorités.

Les expériences utilisateur ont besoin de vous, quand elles sont dites hors standard, atypiques et non neutres. C’est à vous de développer maintenant cette compétence de vous mettre en responsabilité, et ne plus être observateur. Je me questionne sur ce qui fait la norme des autres.

Avec mon équipe, je pensais toujours au fait qu’il fallait qu’on n’ait pas de jugement dans ce qu’on concevait, et surtout pas motivés par l’ego, qui surgit souvent au moment auquel on ne pensait pas. Des fois, on peut prendre à coeur des choses qui ne sont pas aussi importantes que ça. On peut tout à fait discuter des choses.

Même de choses parfois difficiles, l’idée, c’est juste d’être à l’écoute. Soyez dans l’idée de transformer votre projet en empathie.

Là, par exemple, ce sont des exemples de biais, de lois qui vont influencer les normes. Ça vous parle la loi de similarité ? 

Vous avez fatalement zappé tous les autres points violets, foncés, dans le fond. C’est un des biais que vous pouvez utiliser. Sachez que ça va avoir un impact. Comme personne qui a été sociabilisée de manière un peu violente, j’ai ce biais qui va s’effectuer sur moi.

Vous avez un peu oublié le carré composé de petits carrés en vert foncé.

C’est un effet d’isolation. Si vous êtes une personne dite racisée/de couleur, si vous êtes sur une expérience page marque employeur d’un site très connu, Bienvenue dans la Toundra, je vois des personnes issues de HEC, blanches, avec un sweat bleu marine, avec des hommes. Il y a de fortes possibilités que moi, j’ai plus remarqué la seule femme dans l’équipe d’hommes.

Sur la partie peak end, le peak de la navigation est à la fin. Pour l’expérience inclusive, vous pouvez le mettre au début, et ensuite à la fin, car il y a une meilleure mémorisation de l’expérience inclusive.

Là, c’est la partie awareness qui dit :  soyez libéral dans ce que vous pensez, mais conservateur dans ce que vous créez.

C’est concevoir des choses faciles d’utilisation, mais ça n’empêchera pas d’avoir une vision beaucoup plus inclusive et diverse de ce qu’on va accepter ou pas dans cette expérience.

On partage ensemble une histoire influente dans l’humanité. On va explorer des biais qu’on peut tous avoir. Bienvenue à bord. C’est un petit voyage à travers l’humanité. Le départ, c’est maintenant. Accrochez vos ceintures, il va y avoir des turbulences.

Qui sont-ils ? 

Les All Blacks ! 

Qu’est-ce que vous notifiez ?  Que font-ils ?  Le Aka ! 

Ce sont tous des… ?  Des hommes. Et regardez bien où se situent leurs tatouages. Souvent, on oublie que le Aka n’est pas un art performatif fait par les hommes. Traditionnellement, il est fait par les femmes, qui sont mises devant. Les hommes sont derrière, et ils vont interchanger. Et il y a des personnes non binaires dans la culture maori. On est très loin de l’idée de ce qu’on fait des All Blacks et du Aka.

Ils sont où les tatouages ?  Sur le visage.

Ce n’est pas innocent. Quand on pense aux tatouages tribaux, on les imagine sur les bras, les poignets et les cuisses. Mais les Maoris ont des tatouages sur le visage. Suivant l’endroit où c’est placé, ça a une signification différente. Cette pratique a disparu avec la colonisation. Elle est revenue en force depuis les années 80. Sauf que ça pose un problème. Vous savez pourquoi ?  Parce que le face ID ne le reconnaît pas comme humain.

Quand je parle de faisabilité technique, de ce qui va avoir comme biais sur les fonctionnalités, c’est sérieux. Les personnes noires avant n’étaient pas reconnues par le face ID, ensuite les personnes asiatiques car leurs yeux étaient trop bridés.

Donc c’est des expériences pas agréables. Il faut bien y penser. Pour le tatouage tribal, on est sur un vrai revival de cette pratique, il y a un vrai pic. On a des tribus en Chine qui le repratiquent notamment. Souvent, on zappe que les minorités peuvent utiliser la tech.

Sur Louis Vuitton, c’était loin d’être innocent.

Souvent, on parle de la représentation des minorités. C’est aussi :  sont-elles capables d’accéder à des expériences standards comme les nôtres ? 

Je pense que vous voyez où je vous emmène. On a décalé, je vous emmène sur le continent africain, avec un négrier, dans le transport des esclaves. Triste épisode de l’humanité. C’est important de comprendre que parfois, l’appellation master slave, c’est un vrai trigger pour certaines personnes. C’est important de se dire que s’il y a des personnes qui ont des triggers et des apports très récents de tout cet épisode historique, on peut aussi entendre ces personnes-là et ne pas utiliser le terme master/slave.

C’est important de se rappeler que l’expérience des personnes noires est liée au colonialisme et est bien réelle, c’est parce que Google considérait encore les personnes noires comme des gorilles. Il y a encore ce truc-là, cet attrait animalier aux personnes africaines. Ce n’est pas normal. Ça fonctionne aussi dans les Caraïbes.

Ça, c’est un enfant dans une famille belge, qui est un animal de compagnie.

Vous savez à quelle date en France le dernier zoo humain avec la culture africaine a fermé ?  94 !  J’avais 2 ans. C’est très grave. Ça s’appelait le Village Bamboula.

Ce sont des expériences sérieuses. Quand on a des personnes de ces ethnies ne sont pas contentes, je pense qu’on peut les écouter et dire que c’est légitime.

Là, le monsieur a mis un filtre de beauté. Il est passé d’afro à un peu blanc, ou moyen-oriental. Mais ce n’est pas normal qu’on ne puisse pas apprécier qui on est et qu’on doivent encore répondre à la question de la neutralité, de l’expérience standard et typique. Ça fonctionne aussi avec les populations asiatiques. On m’a déjà dit qu’une personne asiatique dans une équipe, c’est trop bien, c’est une banane, parce qu’elle est jaune à l’extérieur et blanche à l’intérieur, donc elle travaille trop bien. On en a plein de trucs comme ça.

De presta en presta, je me dis :  wah, on va avoir encore du pain sur la planche !  Mais on va y arriver.

Sur les représentations, n’hésitez pas à aller plus loin dans ce qu’on dit. J’arrive souvent dans des équipes qui utilisent seulement ces émojis-là. Ça me gêne. Ça doit être terrible quand on est sur ces rangs-là.

N’hésitez pas à utiliser la diversité au global, à rester sur du neutre. Mais le neutre n’est pas tout ce qui est spécifique ici.

Pareil pour les noms. Quand vous arrivez sur des expériences où les noms n’entrent pas dans les formulaires et que ça retarde tout plein de trucs qu’on doit faire avec l’administratif, ça devient très compliqué. Par exemple, les noms très longs. Dans ma famille, il y a des noms malgaches, où on aime bien mettre toutes les lettres de l’alphabet. C’est culturel. Et les noms ne passent pas dans les formulaires.

Pareil pour les noms asiatiques parfois très courts, parfois une seule lettre, et ce n’est pas pris comme correct.

Pensez bien à tous les caractères spéciaux et quels sont leurs impacts et l’accès à la citoyenneté, pour le renouvellement de papiers administratifs.

Dans le code, on s’est heurté à la partie multilingue de l’application pour Louis Vuitton, tout le monde n’a pas pensé dans le même sens, et ça a tout décalé. Ça peut être rapidement cauchemardesque. Mon conseil, c’est de créer votre propre design système qui soit inclusif, au mieux, selon vos problématiques, quel est le type de vocabulaire que vous allez employer. Demain à vos équipes les délais. Il y a aussi ceux qui font le produit. Il ne faut pas hésiter à se challenger. Dans la représentation, dans les émojis, les photos, vous pouvez aller plus loin.

Aussi, n’hésitez pas à créer votre propre set, pour créer vos propres interviews, vos tests, les personae etc. Car il y a des résultats négatifs dans la user research. C’est important de se dire qu’il y a des informations qui ne doivent pas transiter facilement.

Donc les bons formulaires, les bonnes interviews, il faut que ce soit clair, compréhensible. Il ne faut pas de dark patterns.

Il ne faut pas dire qu’une bonne employée est une banane.

Il faut que ce soit accessible aussi au regard du handicap. Il faut que ce soit modifiable, et retirable.

S’il y a une personne que vous devez garder comme référence, qui fait les meilleures interviews, c’est Alba Villamil, qui a créé toute une guideline, une checklist qui explique comment créer les meilleures interviews possibles. Ça, c’est top.

Si vous voulez aller encore plus loin, vous allez devoir vous challenger et vous dire :  pourquoi vous devriez devenir un allié anti-raciste pour aider d’autres expériences utilisateur ? 

Car tous ces points, on ne vit pas dans un monde qui est juste, c’est normal, on est d’accord. Il y a la question de la responsabilité aussi, du coup, on pousse notre curseur en termes d’éthique. Vous êtes au courant de ce qui se passe au Congo ?  C’est surtout dans le fond, c’est marrant… !  Actuellement, on a une grosse crise politique mêlée à de la culture du viol, car c’est un vivier de cobalt et autres minerais qui nous aident à concevoir nos produits tech. On envoi des enfants là-bas, de gré ou de force (des forces armées), qui utilisent les mamans et les grandes soeurs avec la culture du viol pour envoyer leurs enfants dans les mines.

C’est important de le savoir.

Aujourd’hui, il y a une alerte depuis des années, un docteur répare ses femmes, qui alerte l’industrie de la tech. Vous devez absolument voir son discours à l’Onu.

Amnesty International a mené une étude car les vidéosurveillances ont tendance à faire un indicateur élevé de risque quand les personnes sont racisées. Il y a eu des arrestations qui n’étaient pas justifiées. Pour prouver ça, c’est complexe. Donc Amnesty International a créé tout un outil sur lequel vous pouvez signaler les systèmes de vidéosurveillance abusifs.

Les ATS, ce sont les logiciels qui servent au recrutement, on en a aujourd’hui qui sont complètement racistes. On a maintenant une IA qui permet l’inclusion. Sauf qu’on a eu une femme d’origine algérienne qui a postulé à un emploi. Quand elle a reçu la réponse à sa candidature, le logiciel lui a répondu :  bonjour Arabe ! 

Elle n’avait jamais renseigné qu’elle était arabe.

Ça a révélé que, dans la conception, il y a des paramètres comme ça. Comment ça a pu être permis ?  Et comment c’est possible d’envoyer une telle réponse ? 

Les recruteurs ont répondu qu’ils n’étaient même pas au courant de comment ça s’était fait. Cette histoire est révélatrice de :  qu’est-ce qu’on fait des données ethniques ou pas ? 

Les data set, les entraînements d’images sur les cancers de la peau, sont remplis de peaux blanches. Tout ce qui est peau métisse ou noire, on est soumis à un retard dans la détection de cancer de la peau de 5 ans. Essayer de régler un cancer avec un retard de 5 ans, c’est un peu violent. Il faut être vigilant à ça aussi.

Vous voyez cette personne ?  Quelqu’un sait qui c’est ? 

C’est une mannequin pour Levi’s. La subtilité de cette personne, c’est qu’elle n’existe pas. Plutôt que de payer des modèles racisés ou de couleur, désormais, les marques utilisent l’IA et font bénéficier la tech d’une économie, et en plus de ça, on crée de la fake diversity.

Donc des faux femmes racisées etc.

C’est important de se rappeler que ça joue sur les expériences utilisateur. La dépréciation de la tech par certaines personnes et l’indignation de personnes qui disent qu’on est dans une industrie qui utilise des biais racistes n’est pas illégitime.

Pensez à la responsabilité et à l’impact institutionnel, c’est important. Le racisme, l’ethnocentrisme, l’impérialisme etc., ça a des impacts sur tous ces points, les systèmes économiques, l’accès à la santé, à l’éducation, à la citoyenneté, à la propriété. Quand on envoie des dossiers, que c’est automatisé, qu’il y a des biais racistes, ça exclut certaines populations.

Les situations géographiques, et familiales aussi.

Pour la meilleure adaptabilité possible, 4 règles :  devenez un défenseur de l’antiracisme dans la tech, se réapproprier la tech. On a un story telling plutôt focus sur les hommes blancs, comme Steve Jobs etc.

Et ça, on n’en parle pas.

Etudiez comment la technologie peut discriminer, encore plus avec l’IA.

Comparer et essayer de justifier, faire tout un jeu critique sur les technologies racistes, c’est bien. Tout ce qui est confrontation :  n’hésitez pas à débattre.

On n’a plus de zones d’échanges favorables. Il y a tellement de cristallisation d’un côté comme de l’autre qu’on n’a plus d’échanges. Le dialogue, il n’y a que ça qui nous aide à enrayer les biais racistes.

Des manœuvres anti-racistes dans son propre travail :  c’est se dire :  « ah oui, dans ma famille, on m’a dit que… »

Le peuple maori se retrouve à hauteur de 75% de dysfonctionnement dans toutes les manœuvres liées à la citoyenneté et administrative. La tech biométrique efface aujourd’hui les tatouages. Quand on arrive à l’aéroport et qu’on a des tatouages, ça pose problème.

Cet apport ethnique de ma famille me permet d’être devant vous, de défendre un travail pas facile aussi. Je remercie mon grand-père, Jacob, et ma grand-mère, Amina. Au vu des prénoms, vous voyez que c’est en lien avec l’actualité. Ils disaient :  ça renforce la cohésion, et ça appuie la cohérence. Gardez ça en tête. Je vous souhaite un très bel évènement. Merci de m’avoir écoutée.

Il y avait beaucoup d’informations. Je sais que c’était lourd parfois. Je ne sais pas si on a le temps pour des questions ? 

- Ma question c’est par rapport à l’intelligence artificielle, on sait qu’elle apprend des données    qu’elle collecte sur Internet, du fait que Internet puisse avoir des contenus racistes, l’intelligence artificielle est devenue raciste ?  C’est une question.

Alors, je vais essayer de rapprocher le micro, ce que je demandais c’était par rapport à l’intelligence artificielle, on sait que l’intelligence artificielle apprend des contenus qu’elle peut trouver sur Internet, comme apprendre ce qu’est un chat etc. Du coup, du fait des contenus racistes sur Internet, elle est devenue raciste ? 

- C’est une super bonne question. Oui, dans les premiers temps, elle était raciste. Derrière ChatGPT, ce sont des travailleurs kenyans qui sont payés 2,5€ de l’heure. Ces personnes ont beaucoup manifesté dans des consortium tech en Afrique. On peut le voir avec Gemini qui réinvente l’histoire. C’est une autre intelligence artificielle qui pour le coup, comme le dirait un pendant de droite, est beaucoup trop woke. Il réinvente complètement les figures historiques en ne leur mettant pas la bonne couleur de peau etc. L’enjeu c’est de représenter la réalité. Il y a eu du racisme à la base, les lanceur d’alerte l’ont vu. On a pu voir des biais dans la génération d’image. Par exemple avec la population malgache, quand on demandait :  montre-moi un travailleur malgache de la tech. Ça montrait en fait un humanoïde avec une tête de lémurien. Après, on a quand même des systèmes neuronaux qui sont bien construits, qui vont pouvoir apprendre.

On doit mieux représenter les populations concernées dans la tech.

Je ne sais pas s’il y a d’autres questions. Il y a une autre question juste ici.

- Ce n’est pas vraiment une question mais peut-être un contribution pour bien rappeler que tous ces biais racistes sont aussi très systématiques. Par exemple dans les multinationales, on fait de l’offshorisation, ça implique des biais racistes. On se dédouane de ces biais, on les externalise.

- Bien sûr, c’est pourquoi j’insiste sur le fait qu’on parle d’industrie. C’est ça. Quand on voit les dynamiques offshore, ça vient du colonialisme. La réalité, elle est telle qu’elle est aujourd’hui. Evidemment que ça touche encore certaines populations. Sur les biais racistes, on a des biais positifs. Je vous parlais de l’histoire de la banane, c’est ça. On a des personnes asiatiques qui souffrent des biais disant qu’elles sont forcément bonnes en mathématiques. Il y a des vraies souffrances qui peuvent aussi impacter peut-être le produit mais aussi les carrières des personnes qui font les produits. Quand on est heurtés systématiquement à des narrations, des story tellings qui entravent la dynamique des personnes dans notre industrie, c’est aussi un problème. Merci pour ta remarque, c’est très juste. Il y a une autre question ?  Je crois qu’on a le temps pour une question. Là-haut. Désolée, il y a une question là-haut.

Je me sens un peu mal en fait parce que du coup… J’espère que ça va aller.

- Merci pour la présentation qui était intéressante. J’ai une question par rapport à la cause, on parle de biais cognitifs, je voulais savoir la cause de ces biais. J’ai beaucoup d’amis qui sont un peu d’horizons différents, quand tu leur poses une question sur leur connaissance du monde, c’est un peu limité. Au-delà de leur pays, ils ne connaissent pas d’autre frontière. Contrairement à moi qui viens du Congo, par rapport à l’éducation, on a appris la Révolution russe, la Révolution française. Ce qui n’est pas le cas pour un petit Français, le Mali pour lui c’est un horizon lointain. Le biais cognitif est-il lié à l’éducation ? 

- Oui, ce qui se passe dans le système éducatif français, suivant les écoles où on est, c’est malheureusement des fois au bon-vouloir du professeur. Moi par exemple quand j’étais l’enfant de couleur, par la suite, j’ai fait un burn out, j’ai demandé à mes parents de me changer d’école. J’ai été dans une école publique de ma ville. Je me suis retrouvée dans une mixité telle que les horizons étaient mélangés, j’avais l’impression d’être dans ma famille. Dans ces écoles-là les professeurs voulaient vraiment nous challenger sur les différentes histoires. Tout cela ça aide. On a des gros biais dans les programmes historiques qui font que oui, en Afrique on va apprendre l’histoire de France, en France ce n’est pas dit qu’on va apprendre l’histoire du Congo. Ça fait partie des biais qu’on va retrouver. Comment ça fonctionne ?  C’est aussi quand tu te sociabilise dans ton environnement, c’est ce que dit Bourdieu, tu vas avoir un socle commun qui va aussi créer tout un tas de biais en surcouche qui vont influencer ça façon de réfléchir. On a des réflexes de survie, on doit réfléchir très rapidement, on pose ces biais pour réfléchir très vite. J’espère que j’ai répondu au mieux. Merci. Je crois que normalement en termes de timing, on est pile poil à 10h30. Merci pour vos questions.